- Le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) semble tisser, depuis plusieurs mois, une toile destinée à servir de rampe de lancement à son président, Ahmed Ould Daddah, sur le chemin qui mène au pouvoir à l'échéance du 11 mars 2007, grâce notamment à des ralliements massifs enregistrés dans la quasi totalité des régions du pays depuis le changement du 3 août 2005.
L'importance de ces arrivées d'hommes avec troupes, armes et bagages, notamment des notabilités politiques et tribales qui filaient encore, il y a peu, "le parfait amour" avec le pouvoir déchu est telle qu'une forte délégation du parti conduite par son président, et comprenant plusieurs hauts responsables, a entrepris une longue tournée dans les régions du Brakna, des Hodh et du Tagant pour constater la réalité des nouvelles adhésions, et avoir une idée précise d'un mouvement qui présente de plus en plus les signes d'une véritable lame de fond.
Un périple à l'occasion duquel on aura senti à plein nez un parfum de campagne électorale, avec tout ce que cela suppose du point de vue de la mobilisation des populations et de la chaleur de l'accueil. Un constat dont l'effet "euphorisant" était nettement visible chez plusieurs membres de la caravane qui a sillonné un bon nombre de coins de la Mauritanie des profondeurs. Ahmed Ould Daddah et ses collaborateurs se sont notamment rendus dans le département de M'Bagne (commune de Niabina), avant de remonter vers les Hodh et le Tagant, après une première nuit du samedi 26 au dimanche 27 août passée à Maghta-Lahjar. La suite de ce déplacement a eu pour cadre des localités des deux populeuses régions de l'Est: Tintane, Aïoun El Atrouss, Djigueny, Timbédra, Temchakett….
Des régions qui ont toujours été assimilées à des bastions inexpugnables du PRDS devenu PRDR, insensibles aux assauts répétés et longuement infructueux de l'ancienne opposition au régime de Ould Taya. Partout où la délégation du RFD est passée, l'accueil à été chaleureux. Des meetings populaires -notamment à Niabina et Djigueny- et des audiences, au cours desquelles de nouvelles adhésions ont été rendues publiques, ont marqué la visite de la délégation du RFD. Un mouvement qui ne semble rien devoir à un quelconque phénomène de mode. Une tendance qui n'est pas sporadique et passagère, du moins à première vue, mais massive et permanente, selon la profession de foi réitérée à plusieurs reprises par ceux qui en sont les principaux acteurs. Certes, le chemin qui conduit au palais présidentiel et à la réalisation du rêve d'un homme qui s'est toujours retrouvé "en posture de défiance" à un pouvoir peu tolérant (c'est un doux euphémisme), qui n'a jamais perçu l'opposition réelle autrement que comme un mal imposé par les circonstances, reste encore long et semé d'embûche.
Mais au RFD, particulièrement chez ceux qui débarquent à un rythme très soutenu, on croit de plus en plus à une victoire possible au premier tour de la présidentielle de mars 2007. Un plat de résistance qui sera précédé d'une majorité au parlement et dans les conseils municipaux, obtenue à l'occasion des élections générales de novembre 2006 et janvier 2007. Plus qu'une simple conviction des forces et atouts dont ils disposent, les femmes et les hommes de ce parti se disent, au sujet d'une victoire à l'issue de l'actuelle transition, que "c'est le moment ou jamais". Même si, par ailleurs, ils sont parfaitement conscients du fait que les scrutins électoraux se gagnent par les urnes et non sur une simple impression de mobilisation populaire parfois bien trompeuse.
Ras de marée à Niabina et Djigueny
Au cours de ce marathon aux forts relents de campagne électorale, deux rassemblements sous forme de meetings populaires tenus à Niabina, étape initiale du parcours et Dijigueny (département le plus à l'ouest du Hodh oriental, frontalier du Mali) ont particulièrement retenu l'attention des observateurs.
Dans la commune rurale de Garlol Niabina (département de M'Bagne), Sao Abdoulaye, cheville ouvrière d'une opération massive au RFD, a réussi à mobiliser fortement ses troupes pour un grand accueil réservé par la quasi totalité des habitants de la dizaine de villages constituant la circonscription. En plus des populations des localités relevant administrativement de la mairie de Garlol-Niabina, les habitants de la ville de M'Bagne et d'autres communes frontalières se sont massivement retrouvées au lieu du rendez vous pour donner à l'événement un cachet particulier, et proclamer leur adhésion sans réserve au programme du RFD et leur soutien à la candidature de Ahmed Ould Daddah pour la prochaine élection présidentielle. Ce meeting a réuni sept mille personnes, selon différentes sources d'évaluation.
En réalité la source de l'afflux massif des populations à l'occasion du meeting de Niabina est allée bien au delà des limites de la commune, du département de M'Bagne pour attirer des gens venus de Kaédi (représentée par une délégation de la section locale) et du Hirnagué Bossea (audience accordée à un groupe venu de Sylla, un village de la commune de Nere Walo, dans le Hirnagué Bossea).
Cette note initiale éminemment positive a donné le ton et permis au président du RFD de lancer "la campagne de l'espoir, de la justice et du respect des droits de l'homme", de tous les droits sans exclusive. Les étapes de Tintane et Aïoun ont été marquées par une interminable série d'audiences suivant généralement des proclamations "d'allégeance" par l'adhésion aux idéaux et programme du RFD. Cela a été notamment le cas de Cheybani Ould Eleya, ancien sénateur PRDS du département de Tintane, et son groupe. Cet ancien élu du parti de Ould Taya appartient à la collectivité Tenwajiw.
Après une nuit à Aïoun El Atrouss et deux courtes escales à Aweinatt Zibil et El Gligh Ehel Boya, la délégation du RFD qui a grossi au fil du parcours pour former une file impressionnante de 40 véhicules 4x4 arrive lundi à Djiguenny (au bout d'un parcours de 80 kilomètres de piste). Le meeting tenu en fin d'après pulvérise les scores des partis ayant fait le déplacement de la localité quelques jours avant, en réunissant plus 6000 personnes, estime-t-on au parti.
Au vu du spectacle, Mohamed Mahmoud Ould Valili, ancien ministre du développement rural et artisan du déplacement de la délégation du RFD à Djigueny déclare: "vous avez constaté de vos propres yeux. J'espère que vous rapporterez un témoignage fidèle pour la postérité". Cet homme qui est issu de l'ensemble Mechdhouf, avait annoncé son adhésion et celle de ses partisans dans la matinée. Même proclamation pour la population du département à l'occasion du meeting.
Cette nouvelle tendance semble remettre en cause une certaine "théorie" relative à la capacité du parti de Ahmed Ould Daddah à convaincre les populations de l'Est, dont une partie des notabilités et cadres cèdent progressivement à son "charme". En dépit de ses incontestables avantages quant à l'élargissement de la base et au poids électoral, la nouvelle donne politique comporte quelques inconvénients parmi lesquels le danger du mimétisme, et donc le risque de reproduire les méthodes et l'organisation d'un PRDS bis, que l'on a toujours combattu avec courage.
Viennent s'y ajouter les "grincements de dents" de certains militants de la première heure, pouvant vivre mal une espèce de déplacement "du centre d'intérêt" vers d'autres personnalités, exactement comme une dame vivrait l'arrivée d'une coépouse qui risque de lui ravir le cœur du mari et la vedette auprès de la belle famille. S'ajoute à cela également le risque de voir certaines de ces nouvelles amitiés (pas forcément désintéressée) se révéler "maléfiques" pour le parti.
Si Ahmed Ould Daddah et ses compagnons (nouveaux et anciens) arrivent à trouver la formule adéquate pour faire face à ce chapelet d'interrogations presque existentielles, ils auront gagné une grande bataille sur le chemin qui mène vers le pinacle. Un pinacle auquel faisaient semblant de le porter, il y a quinze ans, quelques "politiciens" rompus à toutes les manœuvres et autres coups tordus, qui finiront par le vouer aux gémonies en retournant leurs boubous et hawlis en faveur de Ould Taya par leur entrée au PRDS.
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